Du point de vue de l’école, le quinquennat qui s’achève fut un désastre. A titre d’exemple, rappelons qu’au début de ce dernier des milliers de familles retirèrent une fois par mois leurs enfants des classes pour protester contre l’expérimentation des ABCD de l’égalité. Souvenons-nous aussi que la Ministre de l’Éducation nationale termina son mandat avec ce chiffre terrible : depuis 2012, le nombre d’enseignants stagiaires démissionnant de leur poste a été multiplié par trois. L’école est devenue un lieu d’inquiétude, que l’on fuit ou dont on se méfie.
Conscient de cette dégradation, Emmanuel Macron entend, dans la partie éducative de son programme, présenter des solutions neuves. Souhaitant « une école qui garantisse la réussite de tous », son projet est dédié à l’« accompagnement comme à l’orientation de chaque élève ».
Dans les faits cependant, cette noble intention se traduit par la perpétuation de mesures mises en œuvre sous le quinquennat Hollande. Réformes du collège et des rythmes scolaires, qui suscitèrent tant de crispations, ne seront aménagées qu’à la marge. « Pour les écoles primaires », assure le texte qui fait office de programme, on laissera le « soin aux communes d’organiser le temps périscolaire sans contrainte ». Quant aux collèges, on ne rendra possible que le « rétablissement de parcours bilangues en 6ème et de parcours européens ». La dérégulation du temps scolaire, l’atrophie des savoirs, la consécration d’un arbitraire ministériel qui bouleversa sans concertation des pans entiers du système scolaire français sont donc entérinées par le candidat d’« En marche ! ». Que la finance se rassure, les économies faites sur le dos des élèves et de la culture ne seront pas entamées.
Preuve de cette intention, Monsieur Macron a le projet de réformer le baccalauréat. Voulant revoir la « réforme » de ce diplôme, il ne souhaite garder que « 4 matières obligatoires en examen final » et mettre « le reste en contrôle continu ». Cette mesure, qui autorisera une réduction des matières et des heures d’enseignement, n’est pas nouvelle : elle émane directement d’un rapport rédigé par le thintank Terra Nova, qui rédigea un texte intitulé « Comment sauver le bac ? Quatre semestres pour certifier et orienter ». On y trouve l’idée que, pour maintenir le baccalauréat, il suffirait de conserver des « épreuves finales, limitées au nombre de 4 », afin de placer le reste en « contrôle continu ». Patente, la dette que manifeste le projet Macron à l’endroit d’un laboratoire d’idées institué fait douter quant à l’indépendance du candidat. Si, pour des réformes scolaires, ce dernier ne fait qu’écrire sous la dictée, n’en sera-t-il pas de même pour toutes les autres parties de son programme ?
Car tout le reste est à l’avenant. Comme Najat Vallaud-Belkacem, Monsieur Macron souhaite lutter contre les inégalités scolaires en créant de nouveaux postes, « entre 4 000 et 5 000 ». Comme cette dernière, il consacre l’interdiction du redoublement, puisque doivent être créés, « en fin de chaque année, des bilans personnalisés », qui n’auront d’autre fonction que d’autoriser l’élève à passer en classe supérieure. Comme elle aussi, il entend « renforcer la relation avec les parents », « en généralisant l’expérience de la mallette des parents ». Comme elle enfin, il fait de l’école le vecteur d’une égalité sociale, puisque, croyant aux « bienfaits de la crèche par la socialisation », il voit en celle-ci « un instrument de lutte contre les inégalités ».
Réplique de tout ce qui se fit depuis cinq ans avec le succès que l’on connaît, le programme d’Emmanuel Macron dédié aux questions éducatives est emblématique d’une candidature hâtive et artificielle. Alors que l’école française sombre dans la médiocrité et le vertige du vide, l’ancien Ministre reprend la posture de ses pairs : idéologie égalitaire, recherche du moindre coût, vacuité culturelle. Présenté comme le candidat du renouvellement, Monsieur Macron, s’il est élu, sera gestionnaire des affaires courantes, exécutant de consignes données plus haut. Président des experts et des compères, sa politique éducative transformera, au détriment des élèves, des parents et des enseignants, le quinquennat qui s’achève en décennat prolongé. Dix ans de malheurs attendront alors les enfants notre pays, qui assisteront, impuissants et bernés, à la confirmation de l’adage suivant : ce n’est pas avec de vieux cartables que l’on fait une école neuve.
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