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ABCD de l’égalité : quand le gender s’invite à l’école

lundi 31 mars 2014, par oleg

Actuellement expérimenté dans dix Académies, promis à une généralisation dès la rentrée 2014, l’ABCD de l’égalité suscite bien des questions. Ce programme n’est-il pas légitime, dans la mesure où il promeut une équité garçons filles ? Le genre y est-il bien à l’œuvre, ainsi que l’affirment certains ? Et ce genre, comme objet d’étude, n’aurait-il pas sa place à l’École au même titre que n’importe quelle hypothèse scientifique ?

Qu’entend-on par genre ?
Floue et malléable, la notion a donné lieu à des définitions diverses. Face à cette incertitude, le mieux est peut-être de savoir comment le terme est compris dans les couloirs de la rue de Grenelle. Parmi toutes les références possibles, on pourra mentionner le Memento à l’usage des chefs d’établissement destiné aux Académies de Versailles, Créteil et Paris. A la page 4 de ce dernier, on peut lire les propos qui suivent : « Le genre exprime les rapports sociaux de sexe, la construction sociale des caractéristiques, valeurs et normes attachées au féminin et au masculin par la culture, l’éducation, les institutions ... » [1] Résolument structuraliste, l’approche fait du genre une catégorie sociale qui détermine l’identité sexuée des individus. Générale et globalisante, la notion est plus qu’une rumeur, comme on a pu le dire, mais un bien concept qui se veut opérationnel quant à l’appréhension des problématiques scolaires.

Face à la polémique naissante, l’ABCD de l’égalité a supprimé toute mention de genre
Pourtant, gênés par le tumulte que déclencha, en janvier 2014, le succès de la « Journée de retrait de l’École », les responsables de l’ABCD de l’égalité ont fait disparaître toute référence au genre sur leur site d’information. Parmi les grandes victimes de cette purge, on peut remarquer le départ d’une liste de 92 livres, qui était destinée, promettait-on alors, à « bousculer les stéréotypes fille garçon ». Éloquente par ses titres, la bibliographie recommandait la lecture des ouvrages suivants : Ma Mère est une femme à barbe, Le petit Garçon qui aimait le rose, Madame le lapin blanc. [2] Jouant sur une opposition confrontant sexe reçu et identité choisie, ces ouvrages entraient bien dans la définition donnée supra, rattachant les normes du féminin et du masculin à une construction sociale ou individuellement décidée. Serait-ce alors pour cette raison que ces livres furent immolés sur l’autel de la rumeur ?

Le genre, absent comme principe théorique, est pourtant présent comme pratique éducative
Malgré tous ces efforts pourtant, le genre, évacué comme sémantique répudiée, demeure, comme biais didactique. De ces multiples remaniements subsistent, au cœur de l’ABCD, des « outils pédagogiques » où le concept est à l’œuvre Prenons par exemple la séquence qui s’intitule « Danser : le Petit Chaperon rouge ». Proposée en cours d’Éducation Physique et Sportive, on entend, via un exercice de mime, « lutter contre les stéréotypes et les modes culturels dominants. » [3] Pour ce faire, la pédagogue qui conçoit l’exercice suggère une « mixité pour les deux rôles » : les petites filles n’ont qu’à jouer le Loup, les garçons feront le Chaperon rouge. Mieux encore, on peut tout aussi bien « opter pour des duos Loup-Chaperon non systématiquement mixtes », par lesquels deux filles ou deux garçons joueront, tour à tour, les deux rôles. Le récit de Perrault, écrit comme on sait dans le but d’avertir les jeunes filles du danger que représentent les séducteurs, devient expérimentation du changement des identités, théâtre d’un bouleversement des repères. Conte d’avertissement changé en scène de travestissement, cet « outil » de l’ABCD de l’égalité est le vecteur d’une transgression des codes. L’objectif de l’égalité des sexes, masqué par l’alibi de la déconstruction des stéréotypes, est prétexte à d’étranges mises en scène où il s’agit, comme certains le veulent ailleurs, de défaire le genre : désolidarisé de sa base théorique, le gender est donc bien à l’œuvre dans l’ABCD, en tant que recours pédagogique. [4]

Incompatibilité du genre avec l’École de la République
Mais, objectera-t-on peut-être, une telle pédagogie du genre, si elle est au service de l’équité, n’a-t-elle pas sa place à l’École de la République ? Le problème est que cette égalité promise, qui affecte les convictions les plus intimes des enfants, porte atteinte au droit des familles. A ce titre, on peut citer le Code de l’Éducation, qui pose le principe suivant : « L’État garantit le respect de la personnalité de l’enfant et de l’action éducative des familles. » [5] De la même manière, Jules Ferry, le père fondateur de notre École, entendait bien délimiter l’action des maîtres en écrivant aux instituteurs ce qui suit : « le législateur a eu pour premier objet [...] d’assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves [et] de distinguer [...] deux domaines trop longtemps confondus, [...] celui des croyances [et] celui des connaissances ».[6] Nous l’affirmons donc, le gender, hypothèse scientifique qui a sa place dans les universités où elle peut être exposée à l’examen critique, n’a rien à faire dans le monde de la petite enfance où il sera inculqué par le fait du conditionnement : si aujourd’hui un tel point de vue, partial et discutable, pénètre cet inviolable sanctuaire qu’est l’École, pourquoi refuserait-on demain l’accès d’un tel lieu à toute autre doctrine ? Nous nous opposons donc à ce que l’École, cette institution républicaine qui est service public, devienne l’instrument d’une cause particulière et partisane. Catégorique et fondateur, nous pensons que ce refus, s’il est un jour entendu, empêchera que cet ABCD de l’égalité ne soit jamais l’abécédaire de quelque tyrannie nouvelle.

L’ABCD de l’égalité, une utopie éducative promise au fiasco
Il est une chose enfin, sur laquelle nous aimerions conclure, à l’appui de l’expérience : l’ABCD de l’égalité, qui entend changer les consciences à l’insu des familles, est une chimère qui semble vouée à l’échec. Pour avoir participé à bien des projets de ce type, pour être entrés dans bien des expériences similaires, nous sommes en mesure d’affirmer qu’à l’École la vertu ne s’enseigne pas par des discours, mais se montre par l’exemple. Or notre Ministère, qui, pour porter cet utopique projet, oblige, dissimule et renie, est à cet égard bien peu exemplaire. Est-il bien égalitaire alors, cet ABCD qui ne fut appelé par aucune instance professorale, pas plus qu’il ne fut sollicité des parents eux-mêmes ? Quelque chose au contraire nous dit que, à vouloir empêcher la construction des identités par le discours et la culture, il est à parier que celle-ci ne s’établisse par des moyens détournés, qui seront autrement plus violents. Le petit garçon, qui se verra bousculé en son identité même, ne sera-t-il pas tenté, quand l’adulte aura le dos tourné, de faire preuve comme il l’entend de sa virilité naissante ? Vouloir éradiquer à toute force les repères qui construisent les personnes, c’est aussi prendre le risque de laisser à chacun d’imposer les siens par le seul fait de l’arbitraire. Égalitaire en sa visée, cet alphabet de la bien-pensance risque alors de susciter, dans les cours de nos écoles, bien des vocations de despotes en herbe.

Alors, plutôt que de vouloir imposer la déconstruction des stéréotypes, nous affirmons quant à nous le principe émancipant de l’archétype : c’est quand il se reconnaît garçon ou fille dans les images qu’on lui propose et quand il est capable de reconnaître celles-ci comme de simples indicateurs, que l’enfant s’en libère pour devenir le garçon ou la fille qu’il entend être. De même, plutôt que de promouvoir une égalité dans la similitude, nous préférons nous intéresser à l’équité des altérités : si le garçon se sait garçon et non pas fille, alors il se doit de reconnaître la réalité de cette différence à la fille qui lui fait face. Ainsi est-il grand temps que nous opposions à cette utopie des Ministères un véritable projet éducatif. Parents et enseignants doivent se retrouver autour de la personne de l’enfant et dessiner ensemble les contours de quelque chose qui pourrait être un pacte des complémentarités.

Notes
[1] http://www.centre-hubertine-auclert.fr/outil/memento-a-l-usage-des-chef-fe-s-d-etablissement-mettre-en-place-des-actions-pour-favoriser-l-e
[2] Disparue du site de l’ABCD, cette liste peut être consultée à la référence suivante : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/litterature/outils-pedagogiques-abcd-egalite-filles-garcons-2398818
[3] http://www.cndp.fr/ABCD-de-l-egalite/outils-pedagogiques.html
[4] Les autres séquences proposées, il y en a 9 en tout, sont à l’avenant : on s’appuie sur une identité sexuée reçue, qu’un exercice, par la pratique de l’observation, va remettre en cause. Ainsi, la séquence « Dentelles, rubans, velours et broderies » se propose d’ « amener à croiser les représentations esthétiques » des enfants en leur faisant observer la variation des modes vestimentaires : en 1641, Louis XIV enfant portait une robe, en 1966, Yves Saint Laurent invente le smoking pour la femme. Justifiant ce projet de réassignation de genre, Astrid de la Motte, responsable de l’exercice déclare, sur le site de l’ABCD : « les stéréotypes sont déjà bien installés », « ça montre que le travail doit être fait dès la petite section de maternelle. »
[5]http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=BCCE3B0FCC57240380E62242EC276824.tpdjo07v_3idArticle=LEGIARTI000027682584&idSectionTA=LEGISCTA000006166558&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20140320
[6]http://www.google.fr/urlsa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CC8QFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww2.cndp.fr%2Flaicite%2Fpdf

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